samedi 5 avril 2014

Passerelles (79)

 Nevada, 2008

Rhode Island, 2002

No cameras (please)

Las Vegas (Nevada), 2008

Je me souviens d'une fois, c'était à Minneapolis en 1993, lors d'un long trajet à pied dans une de ces "rues" couvertes qui, pour aider à passer l'hiver, se fraient leur passage dans une chaîne ininterrompue de centres commerciaux. Dans l'enclave obligée de cette ville transformée en galerie marchande, privatisant son espace public en une succession de boutiques clignotant de faux marbre et de néons, une géométrie stratifiée de niveaux superposés démultipliait ses perspectives réciproques au gré de trouées offertes par les escalators, en autant de tentations photographiques. Alors un arrêt, mais à peine le temps d'un œil au viseur et déjà l'arrivée d'un vigile à oreillette mettait un holà immédiat à toute velléité de cliché, comme s'il en allait de la sécurité nationale. Une autre fois, c'était dans la banlieue de Lyon. Le petit matin déployait un ciel chargé au-dessus des toits d'une usine désaffectée mais pas question d'en garder trace, une main dissuasive, surgie de nulle part, s'abattant sur mon épaule alors que j'allais déclencher. Et la même chose encore pour cette image d'un mur décrépi de Buenos Aires, provoquant (mais trop tard, la photo était prise...) la colère du propriétaire de la station-service d'en face, sur le parking de laquelle je m'étais engagé pour avoir davantage de recul.

Juste trois anecdotes en passant.
Pas de conclusion.

mercredi 2 avril 2014

mardi 1 avril 2014

Photos que l'on aurait pu prendre (25)


S'il y a une chose difficile à faire à vélo, c'est photographier, mais on peut regarder tout en pédalant et il n'est pas nécessaire de fixer les images qui s'offrent à notre passage.
Heure d'été et retour des premiers beaux jours, les quais bruissent de promeneurs qui, vaquant en lui tournant le dos et sans se soucier le moins du monde de son arrivée silencieuse, sont autant d'obstacles pour le cycliste. Et ces silhouettes dont on redoute l'écart soudain, ces nuques qui nous ignorent, on se prend à les voir différemment de si l'on était piéton, d'une façon à la fois plus fugitive car on les a vite dépassées, mais aussi plus attentive car on en guette le mouvement imprévisible, la bifurcation toujours possible. Alors parfois, cette observation nécessaire nous emmène ailleurs, la démarche d'un inconnu nous en rappelle une autre, souvenirs de temps anciens offrant en partage une même inclinaison de la tête, un chaloupé identique ou un balancement semblable des bras. Aujourd'hui, c'est Jean G. que j'ai cru revoir ainsi, le désordre de ses cheveux longs entourant sa calvitie naissante, et jusqu'à l'effervescence de ses favoris touffus — quelque chose d'un Gilles Vigneault —, barbe toujours de trois jours, début des années 80... Jean est parti depuis longtemps et, "le" doublant aussi rapidement qu'il m'était apparu, le sourire pointu qui était instantanément revenu à ma mémoire n'était bien sûr pas au rendez-vous. Son apparition s'est vite évanouie, mais avec elle un relais oublié depuis longtemps s'est remis en place, convoquant d'autres fantômes qui à leur tour... Et dans cette collision de temps si différents, il y avait quelque chose qui dissociait l'instant présent de l'espace où je filais en roue libre. Sur les pelouses où des groupes s'étaient assis, je voyais des guitares et des canettes et des chiens mais je n'entendais rien. Il y avait un peu partout des vélos, des poussettes, des passants, mais mon regard ne s'accrochait plus à grand-chose. Un fil jaune vif était tendu entre deux arbres, sur lequel une fille s'essayait à marcher. On aurait dit un film muet.

dimanche 30 mars 2014

Amériques (62)

Ann Arbor (Michigan), 1991